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29.01.2024Séisme du 25 janvier 1946: une recherche historique pour comprendre la catastrophe

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À la fin du mois de janvier 1946, le Valais a été le théâtre d'un des événements naturels les plus violents susceptibles de se produire en Suisse: un tremblement de terre. Ce séisme a fortement touché les communes du Haut-Plateau. Son épicentre se situait dans la région du Rawyl, à quelques kilomètres à peine des villages d'Icogne, Lens, Montana, Chermignon, Randogne et Mollens. On comptera près de 1500 propriétaires sinistrés, dont plus de 200 dans notre région. «Dans son mémoire de master soutenu en février 2023 à l’Université de Fribourg, explique Anne-Françoise Praz, professeure d’histoire contemporaine, Martin Bagnoud propose une recherche originale, qui utilise le tremblement de terre de 1946 comme un révélateur.» Un révélateur de la société de l'époque, de comment l'on percevait les risques naturels, comment la crise a été vécue et gérée. Le travail de master de l'historien originaire de Chermignon fait l'objet d'une série d'articles (publiés ici au fil des semaines) et d'une exposition à voir à la Bibliothèque de Crans-Montana à partir du 20 février 2024.


Une catastrophe qui hante encore les mémoires

25 janvier 1946. 18 h 32. Un grondement qui semble venir des profondeurs de la terre ébranle le Vieux-Pays. Le choc est terrible. De Brigue à Saint-Gingolph, on signale des dégâts. Rarement, un événement n’a eu une telle dimension collective en Valais. Est-ce l’arme atomique? Non! C’est un tremblement de terre, l’un des plus forts que la Suisse ait connu. La région de Crans-Montana, du fait de sa proximité avec l’épicentre du séisme au Rawyl, est durement touchée.

Le phénomène a des conséquences catastrophiques pour la population valaisanne. On compte plus de 1500 propriétaires sinistrés, 3500 bâtiments touchés et près de 5 millions de francs de dégâts. Au-delà des chiffres, les réactions des gens révèlent les liens qui se tissent entre l’être humain et son environnement, dans un canton où la nature a toujours tenu un rôle fondamental. Par exemple, de nombreuses personnes ont pris le séisme pour un avertissement divin, au point de participer à de grandes processions religieuses qui imploraient Dieu afin qu’il mette un terme aux répliques. Et que dire de cet homme de Bramois, qui a cru voir dans les secousses le réveil du diable? Les scientifiques tentent d’expliquer le phénomène et interviennent massivement dans le débat public. Mais leur savoir est encore mouvant: l’un d’eux met l’événement sur le compte d'une météorite qui se serait écrasée dans le massif des Diablerets…

Ce qui est sûr, c’est que ce tremblement de terre résonne encore dans la mémoire collective du canton. Tout le monde, ou presque, a déjà entendu parler du séisme de 1946. Il imprègne notre histoire régionale comme aucune autre catastrophe en Valais. Près de 80 ans plus tard, les gens qui l'ont vécu se souviennent de ce qu’ils étaient en train de faire au moment de la plus forte secousse. C'est dire le traumatisme que le séisme a causé. Comment l’expliquer?


Comprendre la catastrophe

Selon les spécialistes, les événements naturels de cette puissance brutalisent les sociétés qui les subissent: l’intensité émotionnelle et physique atteint des sommets rarement observés. La population, par bien des aspects, en ressort choquée et les questions surgissent: que s’est-il passé, pourquoi est-ce arrivé? Ces interrogations traduisent la perte de repères des gens, au regard d’un phénomène qu’ils ne maîtrisent pas. Pour que la vie redevienne comme avant, il faut donner du sens à ce qui est arrivé. Certaines catégories sociales en profitent: c’est le cas du clergé ou des scientifiques, qui semblent détenir les réponses aux questions que tout le monde se pose. Des lectures particulières de la catastrophe s’imposent peu à peu: signe de la providence, symbole d’une nature puissante ou exemplification d’un phénomène scientifique, elles enferment le tremblement de terre au sein de catégories de pensées qui n’ont que peu de rapport avec les faits tels qu’ils se sont présentés.

Ces discours éclairent un pan de la société valaisanne d’il y a 80 ans. Revenir sur le tremblement de terre de 1946 nous offre la possibilité de mieux la comprendre et de tirer (éventuellement) les enseignements qui s’imposent de notre passé. C'est ce que nous vous proposons dans cette série d'articles publiés au fil des semaines et résumé lors de l'exposition à la Bibliothèque de Crans-Montana dès le 20 février 2024.

Par Martin Bagnoud

 

Sources:

SEISMO.ETHZ, site internet du Service Sismologique Suisse, institution fédérale.

Follonier, Camille, et alii, « Les séismes de 1946 », brochure de l'exposition « Tremblez Valaisans », préparée par les Archives de l'État du Valais et le CIRM.

CH AEV, AC Montana, 2014/21, 9.7.2.

L'exposition «Tremblements de peur» est à voir du 20 février au 24 avril 2024 à la Bibliothèque de Crans-Montana. Elle sera ensuite visible à l'EMS Le Christ-Roi (en juin), dans les jardins d'Ycoor (juillet-août) et au Centre scolaire de Crans-Montana à la rentrée. Les articles de Martin Bagnoud font l'objet d'une publication gratuite disponible à la Bibliothèque.