27.02.2023Installé à Crans-Montana, Touradj Ebrahimi va révolutionner le monde de l’image
Avec sa société RayShaper SA, Touradj Ebrahimi, professeur à l’EPFL, est sur le point de révolutionner le monde de l’image. Un savoir-faire dont le public se rendra mieux compte lors des Mondiaux de ski sur le Haut-Plateau en 2027.
Pointure. Le mot a souvent été galvaudé, mais cette fois il recoupe une réalité indiscutable: c’est bel et bien une pointure des technologies de l’image qui a posé ses valises et installé sa société, RayShaper, à Crans-Montana. Touradj Ebrahimi est en effet, depuis l’an dernier, récipiendaire de la fameuse médaille SMPTE, sorte de Prix Nobel des professionnels de l’image. Sa venue sur le Haut-Plateau n’a toutefois rien d’un heureux hasard. «Je suis Suisse depuis 40 ans je viens à Crans-Montana pour skier, profiter des randonnées, et j’ai également connu les folles soirées dans les discothèques de la station, je pense par exemple au Pacha, aujourd’hui disparu.»
Le déclic professionnel s’est également produit ici pour notre interlocuteur, en 2018, lors d’un congrès international sur la réalité virtuelle. «J’y ai rencontré Rafal Hys, le délégué à la promotion économique de l’ACCM (réd : Association des Communes de Crans-Montana). Il m’a expliqué la stratégie des autorités locales: moins de lits froids en attirant des entreprises de pointe intéressées à s’installer à Crans-Montana pour profiter, en sus de leur travail, de la qualité de vie exceptionnelle et des réseaux professionnels dont on jouit sur le Haut Plateau. Je me suis dit alors: «Si je crée une start-up en lien avec mes recherches, je la baserai ici.» Et quand j’ai créé RayShaper, je n’ai pas hésité, c’est ce que j’ai fait.»
Du Japon aux États-Unis
en passant par Crans-Montana
Porteuse d’un savoir-faire rare, donc précieux, la société de Touradj Ebrahimi ne s’interdit aucun marché: «Nos clients viennent de l’Asie, notamment du Japon où j’ai passé deux ans comme chercheur, d’Europe, et évidemment des États-Unis où j’ai travaillé au sein des fameux laboratoires Bell de AT&T.»
Entre ses années de formation et son statut actuel, Touradj voit un vrai continuum: «J’ai progressé dans la vie en faisant toujours des choix différents des autres. Tous les ingénieurs et chercheurs se passionnaient pour l’Amérique et y allaient pour étudier, se former et développer leurs carrières, moi j’ai choisi le Japon pour commencer mon ascension. On vante aujourd’hui le modèle d’une société des loisirs, moi je travaille de longues heures par jour (ce qui m’est possible puisque j’ai la faculté de ne dormir que très peu). Du reste, lorsque je n’ai pas travaillé durant quelques heures, je me sens mal à l’aise. Pour bien vivre, en plus de ma famille, j’ai vraiment besoin du travail, de la recherche, de la création, ou de l’enseignement.»
Une première mondiale
aux Mondiaux de ski de 2027
Et le Professeur Ebrahimi de donner un exemple concret de l’activité de RayShaper SA: «Grâce aux gens d’ici, à leur talent de facilitateurs, nous sommes sur le point d’être impliqués dans le Championnat du monde de ski alpin 2027. Je m’explique: les événements sportifs ont souvent offert un cadre idéal pour les avancées technologiques en matière d’image. Le Mondial de football au Brésil a ainsi été le premier à bénéficier d’une diffusion télévisuelle en résolution 4K. Là, grâce aux systèmes que nous développons (caméras, etc.), on pourra offrir au public ses skieurs favoris en réalité augmentée et holographique. Pour ce faire, RayShaper est en contact avec des géants comme Sony et Dolby - qui s’intéressent à financer des avancées technologiques sur l’image - pour finaliser ce projet fantastique lors du grand rendez-vous alpin de Crans-Montana.»
Il faut dire qu’en créant en 2019 une caméra de nouvelle génération, bien meilleure et de très haute définition, RayShaper permet de voir un skieur à 300 mètres comme s’il était au premier plan. Une facilitation qui changerait en profondeur la production télévisuelle, toujours très onéreuse, des grands championnats. D’où l’intérêt de groupes si importants pour les solutions conçues et protégées par Touradj Ebrahimi.
«Le Covid a tout changé»
Le projet même de RayShaper a effectué un virage marqué avec la crise du Covid-19. «Avant, nous produisions nos caméras d’un nouveau type en Chine, à Shenzen. À présent, tout s’est arrêté. Notre ancien modèle n’est plus réaliste: le Covid a tout changé. Nous avons donc réajusté notre business plan. On conçoit et fabrique jusqu’aux prototypes, et ensuite, on teste nos solutions. À l’arrivée, soit on vend tout le package, soit on travaille sur la commercialisation en partenariat. On a d’ailleurs créé un département partnership au sein de la société, et on croit beaucoup à cette approche industrielle et commerciale.»
La vision computationnelle
L’atout no 1 du Professeur Ebrahimi, c’est son travail sur ce qu’il appelle la vision computationnelle. «Depuis 150 ans, explique-t-il, l’image, la photo, étaient conçues pour être vues par l’humain. Désormais, on délègue de plus en plus de tâches à l’AI (réd. : Intelligence artificielle) : monitoring, trafic vidéo, surveillance. Et l’AI est devenue tellement pointue que dans certains domaines comme les diagnostics médicaux, elle peut obtenir de meilleurs résultats que les humains. Notre travail, en résumé, c’est d’une part de rendre l’information visuelle compréhensible à la fois par l’homme et par la machine, et d’autre part, de leur fournir à tous deux la même information, de la meilleure qualité possible.»
Concrètement, cela améliore notre capacité et notre maîtrise de domaines comme le codage, la compression, la reconnaissance faciale, la conduite de voitures autonomes, et bien d’autres encore. Et tout cela a débuté à l’EPFL, dans le laboratoire de traitement des signaux multimédia créé par le professeur Ebrahimi. Un labo impliqué dans la création des technologies utilisées d’applications aussi connues que Face Time, Zoom ou même le mythique «JPEG», ainsi que son extension pour les intelligences artificielles, le «JPEG AI» (lancement auquel le professeur Ebrahimi a participé).