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18.10.2022«Économie durable: Crans-Montana doit passer à la vitesse supérieure»

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Spécialiste de la transition énergétique, Regina Lamour a fait de sa passion de la nature une compétence professionnelle qui va profiter aux communes valaisannes. Car il y a urgence dans ce domaine. Nouvellement installée à Crans-Montana, elle est déjà prête à s’engager: «Quand j’ai vu que les décideurs avaient une vision forte pour faire de cette ville en montagne un modèle national et international en matière de bien-être et de développement durable, je me suis tout de suite projetée avec eux.»

 

Regina Lamour est une pasionaria. Une combattante rare. Une femme engagée, de la tête aux pieds, dans les activités qui touche au développement durable et à la transition énergétique. «Je crois profondément que notre société n’a plus le choix que de prendre au sérieux la crise systémique à laquelle on fait face. C’est une opportunité inédite pour repenser notre fonctionnement. Et la réponse est collective et locale!»

Fille d’un père estonien et d’une mère originaire de Russie, elle s’est toujours considérée comme une enfant hybride qui porte en elle deux cultures. «La diversité de mes origines et de mon parcours ont fait de moi une vraie internationale, une professionnelle qui a multiplié – avec un plaisir fou – les recherches personnelles sur le climat, les formations dans le l’économie, la durabilité et les énergies renouvelables, puis les engagements envers la protection de l’environnement.»

Elle arrive en France à 21 ans, elle y reste six ans pour fonder une famille. «Ensuite, j’ai vécu sept ans aux Moyen-Orient, à Dubaï précisément. J’ai adoré cette expérience, mais j’ai compris beaucoup de choses là-bas : qu’un monde multiculturel était une chance, que la croissance à tout prix était un modèle condamné à l’échec, que le développement durable était, lui, une obligation.»

 

Repenser le progrès

En 2012, de retour en Europe, à Strasbourg, Regina se forme à nouveau pour devenir consultante en développement durable et travaille pour le Conseil de l’Europe: une mission dans l’innovation sociale consistant à proposer des indicateurs alternatifs qui mesurent le progrès autrement. «En effet, dit-elle, le Produit Intérieur Brut (PIB), n’est pas suffisant pour guider notre économie et société dans la bonne direction. Par exemple, il ne prend pas en compte le coût des destructions causées à la nature et aux populations. En me penchant sur ces questions, j’ai ainsi pu accompagner les communes dans l’élaboration de leur propre système de mesure de progrès qui s’est orienté sur le bien-être de tous. Certaines ont même pensé à étalonner le bonheur des citoyens, le degré de la démocratie participative ou de la résilience. À travers cette expérience, j’ai très vite compris que le futur est dans la co-responsabilité. Ce n’est que dans une société bâtie sur la confiance, où chacun a un rôle à jouer, qu’on pourra faire bouger les choses durablement.»

 

Une vision forte pour Crans-Montana

Regina Lamour poursuit sa route, avec une nouvelle étape à St-Gall pour une formation dans les énergies du futur, et cap sur la Romandie. «En Valais, il y a tout pour réussir la transition vers un avenir durable. Et si je suis venue m’installer ici, à Crans-Montana. Si AxessImpact avec qui je collabore est basée à Icogne, ce n’est pas seulement à cause de l’image internationale de la station, un peu plus haut, même si elle est un atout dans les affaires, mais c’est surtout parce qu’il y a déjà une bonne dynamique. Vivre dans une commune engagée est une chance. Quand j’ai vu que les décideurs avaient une vision forte pour faire de cette ville en montagne un modèle national et international en matière de bien-être et de développement durable, je me suis tout de suite projetée avec eux.»

Son rôle, elle le voit à différents niveaux. «En tant que citoyenne engagée, j’ai choisi à devenir une bénévole chez Swiss Green Alps Foundation pour donner l’exemple et apporter mon conseil à leur équipe. Puis, il y a une multitude de possibilité pour booster la transition à Crans-Montana, car tous les domaines sont concernés. On peut mieux conseiller l’hôtellerie, forte consommatrice des ressources, parce que la gestion de l’énergie dans cette branche est encore loin d’être idéale. Ou coacher les communes elles-mêmes, pour qu’elles développent des compétences nouvelles dans la durabilité. Puis, aider les acteurs privés à repenser leur politique RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) qui un gage d’une meilleure pérennité. »


Un laboratoire d’innovations

Afin de cristalliser ses idées – elle en a dix à la minute –, Regina se verrait bien créer un laboratoire d’innovations au niveau local qui ciblerait des problématiques propres aux stations de ski. «Nous avons besoin d’un espace où on transforme les besoins identifiés en propositions d’actions concrètes et mesurables pour renforcer l’attractivité de la région et surtout sa résilience.»

S’appuyant notamment sur la compétence d’AxessImpact (voir l’Info en page 4) et de sa méthodologie de création de l’impact qui utilise la blockchain (une technologie qui garantit la véracité de l’information), Regina voit ici une complémentarité idéale pour de Crans-Montana un leader valaisan de l’économie d’impact. «Nous pouvons aller beaucoup plus loin via une meilleure cohésion entre les projets, et grâce à des outils innovants.»

Un constat qui n’empêche pas notre interlocutrice de souligner les efforts effectués à Crans-Montana: «Si on se penche sur chacun des dossiers avec les bons outils de gestion, on va avancer vers un futur où on se retrouvera tous! Ici, cela dit, beaucoup de belles choses ont été faites et Crans-Montana est bon élève du développement durable.»

 

Changer de l’intérieur

«J'ai toujours su entreprendre parce que je n’ai pas peur de changement. Et en m’intéressant au développement personnel, j’ai découvert que j’étais un zèbre qui a un besoin intrinsèque de servir une cause qui va au-delà de ma personne. Alors, j’ai choisi de fonctionner en mettant en avant mes valeurs. C’est ainsi que j’ai pu rencontrer des personnes engagées et motivées et notre réseau ne fait que grandir.»

«Il y a de plus en plus de start-up qui se positionnent comme des agents de changement, des entrepreneurs d’impact. Beaucoup de jeunes ne voient plus de sens dans des activités qui ne sont pas respectueuses de l’environnement, car ils sont les premiers concernés. En Valais, j’ai eu entre autres le plaisir de travailler avec COOS et Yetik, car nous sommes entièrement alignés dans notre rôle commun d’activateurs de solutions qui placent l’humain au centre des réflexions...»

 

Le potager d’Ollon, une vraie expérience

«Ici à Crans-Montana, j’ai un besoin viscéral de me promener partout. J’aime aussi faire de la photo – il y a tellement de sujets différents du minéral à l’animal en passant par le végétal. La présence des insectes nous raconte ainsi la vérité sur l’état de santé de notre environnement. Je constate avec une inquiétude que les abeilles sont de plus en plus rares, et si elles disparaissent, on ne pourra pas remplacer leur service écosystémique qui n’a pas de prix.» 

Elle n’oublie pas non plus son petit potager à Ollon, une véritable expérimentation. «C’était un ancien sol de vigne, j’ai donc dû beaucoup m’investir pour qu’il donne des résultats satisfaisants. En parlant de sols, j’ai d’ailleurs constaté en arrivant en Valais, et cela m’a beaucoup réjoui, que de nombreux domaines viticoles avaient déjà effectué tout ou partie du chemin qui mène à la production bio. C’est ce que le consommateur recherche de plus en plus!»

Par Jean-François Fournier