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12.05.2021Les fromages «en or» de nos alpages: visite à Corbyre et Merdechon

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Chaque année, l’interprofession Raclette du Valais AOP récompense les laiteries et les fromageries d’alpage ayant fabriqué des produits se démarquant par leur qualité exceptionnelle. En 2020, deux fromageries de nos alpages ont obtenu une étoile d’or: Corbyre avec 19,5 points et Merdechon avec 19,29.

 


Stéphane Robyr: dans le fromage à cent pour cent!

À 50 ans, Stéphane Robyr est un homme heureux, fier d’avoir déjà vécu plusieurs vies professionnelles. «L’alpage, j’ai toujours adoré. À 14 ans, pour me payer un vélomoteur que mon père Marius ne voulait pas m’offrir, j’ai travaillé comme berger à Corbyre. J’avais trouvé ça génial, j’ai continué: je me sentais bien là-haut. Quand j’ai pris d’autres directions professionnelles, j’ai gardé le contact. Et aujourd’hui, je suis quasiment à 100 % là-dedans, d’un bout à l’autre de la chaîne».

Corbyre, avec ses 66 hectares, est considéré comme un alpage de taille relativement modeste. Durant l’été 2020, 115 vaches étaient rassemblées sur le secteur (95 vaches d’Hérens appartenant à une dizaine de propriétaires et 20 blanches).

«J’adore me retrouver presque seul là-haut pendant la période estivale. Je n’ai que deux employés avec moi. Les journées sont longues et très rythmées. On se lève à 4 heures: arrivage du lait, fabrication et démoulage des produits de la veille, préparation du fromage, du sérac et de la tomme puis les livraisons, les foins et enfin la rentrée des vaches.» Il y a aussi le contact avec les différents propriétaires du bétail. «Certains montent chaque jour voir si leur bête est en forme. C’est une affaire de confiance. Il faut expliquer, dialoguer. Certains propriétaires sacralisent vraiment leurs vaches (je comprends la démarche, étant moi-même propriétaire). Quant à la question de ceux qui ne considèrent une vache que comme un investissement, c’est leur affaire. Ça fait partie du jeu. La race d’Hérens vit aussi à travers ces gens-là».

Et puis il y a le côté festif, souvent le plus connu du grand public: «L’inalpe, les combats, les gens qui font le déplacement par tous les temps… C’est un truc incroyable! Certains diront peut-être que ça devient trop folklorique. Moi, je ne le pense pas. En Valais, les vaches sont tout un pan de notre culture, du moins en montagne. Et Corbyre est à deux pas d’une des stations les plus réputées du Valais: il faut considérer ça comme une chance. Nous sommes accessibles et nous pouvons aller à la rencontre de la clientèle. Ça marche dans les deux sens».

C’est d’ailleurs dans cet esprit que Stéphane Robyr exploite maintenant «Le Terroir», la fromagerie située rue Centrale, à Crans. «Pour un fromager passionné, être actif sur l’ensemble du processus, c’est un vrai privilège.» Et pour les clients, consommer des produits conçus quasiment sur place devient un immense privilège.

 

Dorothée Cordonier Mudry et Jean-Roger: «Éleveur, c’est un vrai métier»

L’alpage de Merdechon est un site exceptionnel, à 2100 mètres d’altitude, au pied du Petit Bonvin et à deux pas du vallon de la Tièche. Durant la période estivale, Dorothée Cordonier Mudry et son époux Jean-Roger, originaires de Lens et de Chermignon, veillent au bien-être d’une centaine de vaches et transforment les 500 litres de lait produits chaque jour (soit 800 fromages en fin de saison).

«Adolescents, nous avons rapidement pris l’habitude de travailler avec nos parents, explique Jean-Roger. Mais ce n’est qu’en 1986, après notre mariage, que nous nous sommes véritablement lancés. Nous avions deux vaches au départ!» Ils gèrent d’abord quatre petites étables avant de construire la leur, en 1991. «Avec une étable digne de ce nom, nous avions le sentiment de devenir enfin de vrais éleveurs!»

Dorothée devient officiellement fromagère (et au passage mère de deux enfants). En 2015, le couple loue l’alpage de Merdechon. Aujourd’hui, la réputation du tandem n’est plus à faire: en six ans, six diplômes dont trois d’argent et trois d’or récompensent leur travail. «L’herbe grasse et consistante de Merdechon est d’excellente qualité. Et puis il y a le travail. Je parle de l’hygiène, de la propreté mais bien sûr aussi de la fabrication et de l’affinage. Chacun a ses méthodes, ses secrets, son savoir-faire. La production du fromage, c’est aussi un travail d’équipe et beaucoup d’abnégation: l’été, c’est 90 jours de travail sans congé et des journées non-stop!»

Autre source de fierté pour le couple: les combats de reines. «Dix-sept ans d’alpage et onze reines avec cinq vaches, lance Jean Roger… C’est un beau bilan.» Dorothée ajoute: «Un bon éleveur qui fait son travail avec passion ne peut être que récompensé. Aimer son bétail (le couple possède actuellement 38 bêtes), c’est être proche de chaque animal.»

Mais la fierté de Dorothée ne s’arrête pas là. «Dans les années huitante, très peu de femmes osaient se projeter dans une telle activité. À cette époque, j’ai trop souvent eu droit à des remarques désobligeantes. On me disait que je n’avais rien à faire là-haut, ou que j’avais sans doute mieux à faire au village… C’était assez choquant. Heureusement, les choses sont en train de changer. Mais on doit encore avancer en la matière…»

Article paru dans Vue d’Ensemble – Par Hubert Gay-Couttet