14.02.2023Nathalie Ravet: «Crans-Montana, c'est une vue, un décor de vacances perpétuelles»

C’est une grande famille de la gastronomie qui s’est installée au bord du Lac Grenon en ouvrant une œnothèque gourmande à leur nom: Ravet. Rencontre avec Nathalie, la cheffe de projet.
Les Ravet. Plus qu’une famille: une tribu qui additionne des talents exceptionnels. Bernard, le patriarche, abonné au 19/20 GaultMillau, plusieurs fois meilleur cuisinier de Suisse. Guy, le fils, président des Grandes Tables Suisses, qui vient de s’installer aux fourneaux du Grand Hôtel du Lac à Vevey. Nathalie, Sommelier de l’Année en 2007. Isabelle, ex-reine pâtissière à l’Ermitage et actuelle directrice de l’Hôtel Panorama à Mollens. Et bien entendu, Ruth, la maman et cheffe de l’accueil clientèle.
Emblématiques de la gastronomie dans ce pays, chouchous des critiques gastronomiques, les Ravet ont surpris tout le monde l’an dernier en annonçant la fermeture avant l’été de leur mythique Ermitage, à Vufflens-le-Château. Et six mois plus tard, on les retrouve à la surprise générale à Crans-Montana, inaugurant une œnothèque gourmande à leur nom, au bord du Lac Grenon, dans l’ancien Gréni. Un projet signé Nathalie, 45 ans, qui se concrétise – comme toujours chez les Ravet – en famille.
«Là, j’ai compris ce qu’étaient vraiment l’aventure de notre maison, de notre famille, et la place qu’on avait prise dans la vie des gens.»
«Mon frère souhaitait poursuivre sa route de son côté, explique Nathalie, et nos parents ont alors compris que c’était peut-être un bon moment pour profiter enfin d’une vie plus paisible. Ce qui n’empêche pas la fermeture de l’Ermitage d’avoir fait office d’électrochoc pour tout le monde. Moi, je me disais: après tout c’est juste un restaurant qui tourne la clé, et puis il y a eu ce truc de dingue, plus de 700 réservations en 48 heures après la publication de notre communiqué, et ensuite des clients qui pleuraient tous les jours quand on venait les saluer. Là, j’ai compris ce qu’étaient vraiment l’aventure de notre maison, de notre famille, et la place qu’on avait prise dans la vie des gens.»
Le coup de pouce de Franck Reynaud
Confrontée au vide qui a suivi ce clap de fin, et à la nécessité de se retrouver plus qu’un travail, un nouveau défi, Nathalie réagit vite: «J’aurais pu reprendre une brasserie à Lausanne, mais on rêvait tous d’autre chose: la montagne, la nature, les promenades, de bons moments à passer ensemble. Or à Crans-Montana, c’est une vue, un décor de vacances perpétuelles, bref, un lieu de vie qui plaisait beaucoup à mes parents, qui connaissaient par ailleurs mon idée d’ouvrir un jour mon propre bar à vins ou ma propre œnothèque, et s’étaient même annoncés partants pour me mettre le pied à l’étrier. Toute la famille s’est donc mise en piste pour trouver des appartements et des locaux commerciaux à louer en station. On a eu de l’aide dans les milieux immobiliers, à la promotion économique et à la présidence de la commune, tout le monde voulait vraiment qu’on s’installe ici. C’est finalement grâce à Franck Reynaud – un grand chef que j’apprécie particulièrement – qu’on a mis la main sur la perle rare. Papa m’a dit: si tu le sens bien, c’est maintenant, il faut foncer! Alors, on s’est lancé à toute vitesse.»
Plus de 100 vins proposés par Nathalie Ravet
Le concept de «Ravet, l’œnothèque gourmande»? Il est basé sur le savoir-faire de Nathalie qui est tombée dans le vin quand elle avait cinq ans: «Les parents nous emmenaient, tout petits déjà, avec notre Saint-Bernard, dans les dégustations en Suisse, mais aussi en France pour choisir nos Bourgognes et nos Bordeaux, et même jusqu’aux États-Unis. Comme ma sœur, j’ai ensuite opté pour l’École Hôtelière de Lausanne. Là, pour me faire quelques sous le week-end, j’ai travaillé comme aide du chef sommelier, j’allais chercher les bouteilles, je les préparais. Un samedi soir, le boss est tombé malade, on m’a appelé et je n’ai plus lâché.»
La suite, on la connaît. Le succès à l’Ermitage où les amateurs de vins découvrent une jeune femme passionnée et très compétente. Puis le titre de Sommelier de l’année en 2007. «Une reconnaissance qui m’a procuré beaucoup de confiance en moi, et m’a donné un grand et vrai crédit auprès de la clientèle la plus exigeante.»
À la rue des Sommets de Crans, dans la belle lignée de l’Ermitage, Nathalie propose et commente plus d’une centaine de vins de toutes origines, aidée de Ruth et de son fils Léo. En cuisine, son mari Nicolas a rejoint Bernard pour une carte de snacks gourmands très originaux: caviar végétal; beignets de fromage d’alpage; dodine de foie gras, chausson vaudois de Nico à la saucisse aux choux des frères Ledermann à Bière, et papet de poireaux blanchis; chausson de Nico Le Marin, Skrei, curry Madras, mangue et lentilles Beluga; ou encore, le fameux Pata negra Réserve des Frères Alcala, j’en passe et des meilleurs.
Surprise, l’apparition d’un menu du soir. «Je n’avais pas prévu ça, sourit la patronne, mais tous les clients nous disaient: quel dommage d’être entourés de Ravet sans pouvoir goûter à la cuisine du chef! On s’est donc adapté et on ne le regrette pas. Le menu de quatre plats à 88 francs est très demandé. On le change donc tous les mois et j’adapte l’accord mets vins tous les quinze jours. »
Clientèle de fidèles et de gens du cru
Les Ravet sont enchantés de la réaction des gens du Haut Plateau, et même de bien plus loin. «On a déjà énormément de locaux, se réjouit Nathalie. Je peux me dire sans risque de me tromper que notre intégration est d’ores et déjà réussie. Ensuite, ce qui nous a soufflés, c’est le nombre impressionnant de gens qui venaient à l’Ermitage et qui prennent la route du Valais pour passer un moment en notre compagnie. En revanche, on n’a pas eu beaucoup de touristes jusqu’ici, mais cela viendra. À nous de nous faire connaître.»
À voir Nathalie, Nicolas, Léo, Ruth et Bernard s’égayer au bar et entre les tables des clients, on peut vraiment s’imprégner de ce qu’est «l’esprit Ravet». Ce que confirme Nathalie: «Sans mon mari et mon fils, et sans papa et maman, je ne me serais pas lancée dans un tel projet. Ce qui me plaît le plus, c’est que dès le début, je peux dire qu’il nous ressemble.»
Texte: Jean-François Fournier
Photo: INFO_Miglionico