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13.06.2022Isaline Wyssenbach : «À Crans-Montana, je sens l’esprit et les forces de la nature»

Isaline_wyssenbach_drapeau

Première championne romande de lancer du drapeau, première femme qualifiée pour la finale suisse, marcheuse, grimpeuse, skieuse, aventurière: la jeune femme de Chermignon a tourné le dos à une adolescence difficile pour se réinventer entrepreneur. Isaline Wyssenbach est une femme aux pays des hommes et du folklore. Voici un nouvel épisode de notre série «I love Crans-Montana»!

Oyez, oyez braves gens! Je vais vous conter ici la belle histoire de la ci-devant Isaline de Passe-moi les Jumelles! Car c’est peu dire que la célèbre émission de la RTS a changé le regard que les gens portent sur cette reine du trekking qui a emmené ses chèvres du Simplon à Crans-Montana, avant de devenir la première championne romande de lancer du drapeau.

Ce matin-là, sur une terrasse de café dans son Chermignon, tout le monde s’arrête pour la saluer, ou pour lui souhaiter bonne chance pour la finale suisse où elle sera la première femme à en découdre avec ces messieurs. «Je dois vivre avec, mais l’émission m’a apporté plus de coups de pouces et de jolies pensées que de choses négatives. Elle m’a aidé à faire passer les messages qui me sont chers.»

 

Roméo et Juliette

Wyssenbach à Chermignon, ça sent l’histoire compliquée. «Non, c’est tout simple, rigole les jolis yeux bleus perçants. Papa est de l’Oberland bernois, Maman du Jura bernois. Je suis donc 100% Bärn. Ils se sont rencontrés comme dans les films. Maman a été quinze ans prof de ski, elle a fait le Tour de Suisse et l’itinéraire Suisse-Camargue à cheval. Elle a écrit un bouquin sur ses aventures, que Papa a acheté par hasard pour apprendre le français. Il a trouvé cette femme extraordinaire et lui a rédigé une lettre. Et tout a commencé…» Oui, mais Chermignon? «Mon père voulait se lancer dans le monde du vin, il a trouvé du travail à Sierre, le couple s’est installé ici. Et voilà!»

 

Harcèlement scolaire et tentatives de suicide

De ses très jeunes années, Isaline garde un souvenir prégnant à l’âge de quatre ou cinq ans: «J’ai entendu un disque de yodel et j’ai pleuré tellement c’était beau. Ça m’arrive aujourd’hui encore. Mon CD préféré, c’est le Ranz des Vachespar Bernard Romanens Plus tard l’école sera moins romantique et tournera même au calvaire. Un mot, «harcèlement», changera toute la vie de la future championne. «Depuis l’enfance, je sens la nature. L’esprit de la nature. Je lui parle, ainsi qu’aux bêtes. Je tiens ça de mes parents. J’ai découvert aussi que j’avais le secret pour le sang et que je pouvais magnétiser pour guérir. Parfois, cela suffit à faire de vous quelqu’un de différent, de rejeté. Je me faisais ainsi tabasser par deux ou trois élèves à la fois. Au point par exemple de me faire casser les dents.»

La jeune fille s’est alors durcie, renfermée. «Je m’en fichais; je suis devenue la « caïra » du fond du bus qui écoute du rap à plein tube. Celle qui fumait avant les cours.» Le drame d’Isaline se passe de commentaire et débouchera sur une situation de la plus extrême gravité: deux tentatives de suicide.

 

Le salut par le drapeau

Mais la vie de Miss Wyssenbach bascule un jour où l’un de ses voisins, Natal Borgeat, lui fait une démonstration de lancer du drapeau. «Il devait faire des photos publicitaires à Crans-Montana avec le skieur Lucas Aerni et m’a juste demandé de l’accompagner et de tenir un drapeau. Puis il m’a montré deux ou trois trucs et quinze jours après je faisais mon premier défilé en Anniviers, annoncée comme une novice.»

C’est l’électrochoc! «J’ai adoré et j’ai décidé de changer radicalement de vie, d’aller de l’avant.» Traduit dans les faits et sur les conseils de son coach, Isaline choisit de se rapprocher des spécialistes du Haut, qui l’accueillent à bras ouverts. Elle décide donc de se mettre à l’allemand, s’inscrit au collège de Brigue où elle a d’ailleurs toujours un appartement, et progresse à une vitesse stratosphérique.

 

Avec ses boucs

Aujourd’hui Isaline est, à 17 ans, patronne de sa petite entreprise, Dreamstrekking. Elle est demandée aux quatre coins de la Suisse pour de grandes manifestations folkloriques. Ses treks ont déjà séduit de très grandes marques du Outdoor business qui sponsorisent désormais ses projets, comme cette Via Alpina de Montreux à Vaduz en compagnie cette fois de ses deux boucs chéris. «Ils sont étonnants. Quand on évolue dans les passages les plus difficiles, le plus fier montre parfois des faiblesses, alors que le plus timide prend résolument le commandement.»

Montagne et nature, l’aventurière est dans son élément. «Ici, je sens l’esprit et les forces de la nature. Je me sens bien comme nulle part ailleurs, et plus je grimpe, plus la montagne est haute et sauvage, plus je m’éloigne de la plaine et même des stations, mieux je suis. C’est mon petit côté Heidi, surtout si l’on ajoute mes chèvres, des animaux incroyables qui me manquent dès que j’en éloigne.» Qui s’étonnera donc des prochains objectifs professionnels de la demoiselle: les diplômes de guide de montage et de professeur de ski.

 

Un livre pour tout dire

À noter enfin la sortie cette année encore aux éditions Favre d’un ouvrage où elle raconte son parcours, des tréfonds de l’âme aux sommets ensoleillés: «Écrire, ça m’a toujours fait du bien. Et, je le sens à travers les conférences que je donne, mon témoignage peut aider d’autres jeunes à accéder aux idées positives alors que souvent ils se croient condamnés à subir des idées noires.»

Par Jean-François Fournier