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26.09.2022Éric Masserey, nouveau médecin cantonal: «Crans-Montana est une merveille géographique»

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Enfant de la Noble-Contrée, le médecin écrivain va prendre la succession du Dr Christian Ambord. Rencontre avec un pédiatre de formation pour qui la santé ne se conçoit pas sans humanisme ni respect des destins particuliers, dans le cadre de notre série «I love Crans-Montana»

 

Médecin cantonal adjoint du canton de Vaud, 61 ans et né en 61, Éric Masserey vient d’être nommé à la tête de la médecine cantonale valaisanne. Ses origines et celles de sa famille font le lien entre Sierre, Venthône et Crans-Montana. Depuis quelques années, il a déposé sa valise à l’extrême Sud-Est de la commune, à Cordona. «En vérité, de venir travailler en Valais, j’ai l’impression d’être de retour chez moi. Je suis installé juste de l’autre côté de la Raspille, sur le territoire du Parc naturel de Pfyn-Finges, un écrin peu connu.» Pour lui, Crans-Montana rime avec balades (à pied ou en peau de phoque), activités sportives ou culturelles. Avec un excellent pain, aussi.

«J’aime ma commune. Il suffit d’y aller pour que les mots se bousculent. Mais je la définirai d’abord comme une pure merveille géographique. Les vues y sont sublimes, la beauté est partout, l’espace fait du bien, et on y trouve toutes les facilités pour une vie agréable.» Petite nuance toutefois: «Enfant puis adolescent dans les années septante, j’étais choqué par la manière de développer le tourisme en Valais. Crans-Montana était devenue une ville à la montagne, qui contestait la nature avec toutes ses routes, ses constructions sans charme. Je lui suis reconnaissant aujourd’hui d’avoir adopté une vision différente de l’urbanisme et de la protection des milieux naturels. Des efforts qu’on remarque dans de nombreux endroits aujourd’hui en Valais.»

 

Spécialiste en pédiatrie

La médecine, Éric Masserey y a songé sérieusement lors de ses dernières années de collège. «Ma sœur et moi appartenons à la première génération dans la famille qui a eu toutes les options ouvertes pour sa formation, et qui a donc pu suivre des études.» Et de sourire: «J’ai fait médecine par consentement éclairé. J’avais de l’intérêt pour les personnes, pour les destins humains. Je voyais la science, qui me fascine, comme un instrument qui permet d’apporter des solutions à quelqu’un qui voit sa vie changer parce qu’il est confronté à des problèmes de santé.»


L’étudiant opte très vite pour la pédiatrie. «J’étais à l’aise avec les enfants et les parents, j’aimais que cette spécialité soit très proche des aspects cliniques de la médecine, moins médico-technique dans sa pratique quotidienne que d’autres spécialités, et qu’elle englobait en outre mon intérêt marqué pour la prévention. Après quelques années au CHUV, j’ai évolué progressivement vers une pratique plus sociale, ou communautaire, qui s’occupe des enfants dans leurs milieux de vie. Petite-enfance, santé scolaire, soins à domicile. La prise en charge devrait autant que possible suivre et s’adapter à la vie du patient, et non l’inverse, tout en restant bien sûr de qualité et sûr. Ces principes conduisent assez naturellement à un engagement en santé publique.»

 

Progrès et liberté

Impossible de ne pas parler des mots et des idées avec le nouveau médecin cantonal, écrivain brillant, dans l’âme comme dans les actes. Il a ainsi publié quelques romans chez Bernard Campiche - peut-être bien le meilleur et le plus exigeant des éditeurs suisses: Le retour aux Indes, Le sommeil séfarade, Le voyage à Duino, d’autres textes encore, comme «Directives anticipées ou comment je veux quitter ce monde que j’aurai tant aimé malgré toutes ses sottises, et surtout comment je ne veux pas mourir». Lauréat du Prix des auditeurs de la RTS en 2010, il avait déjà été honoré par la Société des Écrivains Valaisans avec le Prix Loterie Romande 2007.

Très présente dans ses livres, l’importance de la liberté marque aussi son approche du métier: «Dans mon histoire personnelle avec la médecine, il y a cette admiration pour les réalisations du génie humain qui permet si souvent de lutter contre la fatalité, ici de la maladie, et donc de préserver ou de retrouver cette liberté dont on a tous besoin pour avancer, se réaliser, être heureux, simplement.»

 

L’objectif? Dispenser des soins justes!

Éric Masserey n’hésite pas non plus avant de qualifier sa vision de la santé publique. «Le soin juste, celui dont chacun de nous a besoin, est une valeur première pour le soignant et pour un responsable de santé publique. Il est issu d’un équilibre entre la médecine dite de premier recours, générale ou de proximité, et la médecine spécialisée. Il existe une forte valorisation des prestations médico-techniques, c’est cependant la connaissance de la personne, de son histoire, de son contexte de vie qui va permettre la prise en charge qui respecte au mieux ce qui compte essentiellement pour elle.»

Le nouveau médecin cantonal n’élude ainsi pas le paradoxe qui veut que la santé doive se rapprocher de nous tandis que les grands centres hospitaliers ne cessent de croître au point de devenir des mastodontes presque ingérables: «Les progrès technologiques, rapides et remarquables, dopent le médico-technique dans nos établissements quand, à l’autre bout pour ainsi dire, des pratiques de soins, on voit bien le besoin de suivi continu des patients, qui leur évite autant que possible des complications nécessitant de recourir à ces prestations pointues.» Quels sont les enjeux actuels dans le système de santé? «Ils sont complètement intriqués, et le fonctionnement de ces intrications influe par ailleurs grandement sur les coûts. L’hôpital doit pouvoir compter sur l’extrahospitalier pour pouvoir fonctionner de façon efficiente, et réciproquement. Les capacités des soins à domicile vont déterminer très directement jusqu’où la médecine ambulatoire peut aller, et quand un patient va ou non être hospitalisé, et quand il va pouvoir sortir d’hospitalisation. J’ai expérimenté ces interdépendances quand je travaillais dans le développement des soins à domicile pédiatriques afin de permettre à des enfants qui séjournaient longtemps en soins intensifs de retourner à la maison, et même à l’école.»

 

Le Valais bien noté

«Comprenez-moi: il ne s’agit pas de rationnement des soins, mais de les anticiper en nous questionnant sans cesse sur leur pertinence. Je vous propose cette question: "Tout ce qui est possible est-il toujours souhaitable?" Avec les vastes possibilités de la médecine actuelle et la complexité des structures de santé, cette question ne devrait pas être un tabou mais une façon de répondre à celle de la meilleure prise en charge pour un patient à un moment donné.»


Nos structures, le Dr Masserey les qualifie positivement. «L’hôpital du Valais par exemple est un outil qui a de l’avance sur de nombreux cantons. La répartition géographique des sites et des fonctions me paraît faire sens. Je ne vois pas comment faire l’économie aujourd’hui d’une certaine planification hospitalière, ainsi que d’une certaine centralisation. Le Valais a les problèmes de toute la Suisse, avec des particularités, liées à sa géographie notamment. Il subit de façon plus aiguë, et plus particulièrement dans certaines régions, la pénurie de soignants. Il m’apparaît que les échanges entre les différentes institutions et responsables sont bons et c’est de bon augure pour travailler à des solutions concrètes. Le système de santé doit continuer d’évoluer et son développement se fera avec. Il se fera avec les partenaires de la santé et avec la population.»
 

Par Jean-François Fournier